Viti-foresterie : la renaissance de la vigne

Et si le retour des arbres au milieu des rangs de vigne pouvait résoudre bon nombre des problèmes de nos producteurs ? À l’époque où la viticulture s’est mécanisée, il y a eu une recherche d’optimisation de la production. Pour permettre le passage des engins agricoles, l’objectif était la suppression systématique des arbres qui poussaient au milieu des rangs. Cependant, depuis quelques années et au nom de la biodiversité notamment, nous avons pu noter que ces arbres majoritairement fruitiers faisaient leur réapparition autour et au milieu des vignes. Ces derniers ont pour mission de nourrir les sols et de créer des mini-écosystèmes permettant à la vigne d’être protégée de certaines maladies. L’objectif de la viti-foresterie est notamment d’aider la vigne à lutter contre les épisodes de gel et de canicule, qui sont de plus en plus violents et destructeurs. Le modèle commence à se développer un peu partout sur le vignoble français et certains Grands Crus Classés s’y sont même lancés dans le bordelais… alors, la viti-foresterie, en quoi cela consiste ?

Une méthode antique qui fait rempart aux aléas climatiques 

Largement répandue durant l’Antiquité, la viti-foresterie a peu à peu disparu à mesure que la mécanisation prenait de l’essor. En plantant des haies, des arbres ou encore des légumes de manière espacée au milieu des rangs, les viticulteurs se sont rendus compte des bienfaits importants que tout cela pouvait avoir sur la vigne. Tout d’abord, cette nouvelle diversité permet de revitaliser les sols, en créant de la matière organique. En parallèle, plus les arbres grandissent, plus ils sont en mesure d’absorber et de réduire le taux de carbone environnant. Longtemps épuisés par la viticulture intensive, les sols se revitalisant et deviennent plus fertiles mais permettent aussi aux végétaux qui y poussent d’être beaucoup plus résistants aux maladies et aux aléas climatiques.

Dans un contexte où la canicule est de plus en plus présente et fait de terribles ravages, notamment dans le Sud de la France, la viti-foresterie apparaît comme une solution de choix. En plantant des arbres efficaces pour récupérer l’eau et la stocker, les parcelles bénéficient d’un sol moins sec. La présence d’arbres au milieu des rangs permet par ailleurs de baisser la température de plusieurs degrés et protéger la vigne du vent.

Un coup de boost pour la biodiversité

Ce n’est un secret pour personne, les vignes sont la cible d’un nombre assez important d’insectes et de parasites qui peuvent causer des dégâts énormes, parfois détruire une récolte voire dans les cas les plus extrêmes, tuer la vigne… Il est intéressant de noter qu’en privant les parcelles d’arbres et d’autres végétaux, ces parasites ont vu leurs prédateurs potentiels disparaître. Sans leur présence, ils ont ainsi pu se multiplier. Pendant de nombreuses années, la lutte face à ces insectes ravageurs a été accomplie par l’utilisation de traitements chimiques, bien souvent néfastes pour l’environnement. L’utilisation abusive de ces traitements a d’ailleurs fragilisé la vigne sur le long terme, en diminuant sa résilience. 

Si nous considérons maintenant une parcelle où cohabitent vignes, arbres fruitiers ou encore des légumes, nous pouvons facilement imaginer le boost que tout ceci procure à la biodiversité locale : chaque élément végétal va attirer sa propre faune, permettant de faire revenir au milieu des rangs des oiseaux ou encore des insectes prédateurs des parasites de la vigne. La vigne en ressort donc protégée, et de la manière la plus naturelle qu’il soit !

 

Une nécessité d’entretien

La viti-foresterie nécessite cependant un entretien important de la part du viticulteur. Cela va de soi, l’écosystème a beau être beaucoup plus naturel qu’un entretien aux pesticides, il n’en reste pas moins “artificiel” dans le sens où il a été implanté par la main de l’Homme.  Le vigneron doit veiller à ce que les arbres et la vigne ne soient pas en concurrence au niveau de l’accès à l’eau et aux nutriments présents dans les sols.

Cette concurrence, lorsqu’elle est trop importante, fatigue la vigne et l’empêche de produire des grappes de qualité. Il faut donc veiller à ce que la viti-foresterie soit au service de la vigne avant tout, afin qu’elle soit en mesure de produire en quantité suffisante un raisin de qualité, nécessaire à l’élaboration de cuvées équilibrées.

 

Le retour à la viti-foresterie s’observe de plus en plus dans les différents vignobles de France. Certaines grandes maisons en Champagne ou encore des Grands Crus Classés dans le bordelais l’ont même adopté. Cela constitue d’une part une excellente nouvelle pour la biodiversité et les sols. Nous l’avons vu, la vigne elle-même en ressort plus forte, notamment au niveau de sa résilience. Si elle marque un retour à une agriculture plus durable et respectueuse de l’environnement, elle nécessite tout de même un investissement important de la part du viticulteur pour ne pas être néfaste à l’épanouissement de la vigne. Par ailleurs, le passage à la viti-foresterie s’accompagne généralement d’une réduction de la surface de production et d’une diminution du volume de vin produit sur la propriété. Dans un contexte économique tendu, un dilemme de taille se pose encore et toujours : sacrifier ou non une partie de sa rentabilité au profit de pratiques plus pérennes pour la biodiversité… 

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